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Droit de l'environnement

Qui paie pour les catastrophes environnementales?

« … la protection de l’environnement est certainement une considération qu’on ne peut plus mettre de côté dans le développement de la province … »

CHRONIQUE EN DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

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Camille Lanthier-Riople clant066@uottawa.ca

La protection de l’environnement est devenue une valeur très chère aux yeux de la population. Vu les preuves accablantes de l’accélération des changements climatiques, de plus en plus nombreux sont ceux qui exigent de nos gouvernements que l’environnement soit au cœur de leurs préoccupations. Le développement économique ne saurait plus se faire sans considération de ses impacts sur la qualité de l’air, de l’eau, de nos sols, mais aussi de notre santé. Bien qu’il existe des procédures d’évaluation environnementale autant au fédéral qu’au provincial qui tentent de prévenir et de compenser les effets environnementaux négatifs, nos projets de développement récents et moins récents connaissent malheureusement des ratés. On peut citer à titre d’exemple la tragédie du Lac-Mégantic en 2013 au cours de laquelle le déraillement de wagons contenant du pétrole brut avait ravagé le centre-ville par les flammes et causé un important déversement, notamment dans le lac Mégantic et dans la rivière Chaudière. L’enquête a révélé que les équipements étaient défectueux et que les responsables n’avaient pas pris de mesures pour corriger la situation.

Que peuvent faire nos autorités lorsqu’un pareil dégât se produit et que la qualité de l’environnement s’en trouve dégradée? Au Québec, c’est de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) que le ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques tire ses pouvoirs d’intervention. Parmi ses pouvoirs, le ministre peut intervenir alors qu’aucune catastrophe ou aucun dégât d’importance ne s’est encore produit en faisant une ordonnance relative à l’émission ou au rejet d’un contaminant (25 à 27.1 LQE) ou encore en arrêtant la construction ou les travaux réalisés en contravention de la loi ou de toute ordonnance, permis ou autre forme d’autorisation qu’il a octroyés (114 LQE). Il dispose aussi de pouvoirs plus spécifiques, par exemple, pour les matières dangereuses (70.1 LQE), pour exiger la préparation d’un plan de réhabilitation des terrains contaminés par une exploitation (31.42 et ss LQE) et pour l’alimentation et la gestion de l’eau potable et des réseaux d’aqueduc (32.5 et suivants LQE). Cependant, lorsqu’une simple ordonnance ne suffit pas à faire agir une entreprise fautive, des sanctions administratives pécuniaires (115.13 et ss LQE) ou des sanctions pénales peuvent être prises (115.29 et ss LQE). Il est à noter que les administrateurs d’une entreprise fautive pourraient se voir imposer ces sanctions. Dans le cas du lac Mégantic, le ministre avait utilisé son pouvoir d’ordonnance d’urgence (114.1 LQE) contre les personnes morales impliquées dans le transport ferroviaire du pétrole ayant causé la catastrophe pour exiger le nettoyage et la décontamination de l’environnement.

Toutefois, tous ces pouvoirs sont exercés discrétionnairement ce qui signifie que c’est à la bonne volonté des autorités publiques et suivant l’ampleur des revendications citoyennes que le ministre distribuera les ordonnances, les sanctions administratives et pénales.

Mars - Camille LR - Environement
Crédit photo: Bureau de la Sécurité des transports du Canada.

Qui plus est, ces ordonnances du ministre peuvent être contestées par les personnes qui se les voient imposées. C’est d’ailleurs assez fréquent qu’elles le fassent, clamant leur absence de responsabilité ou le fait qu’ils ne sont pas visés par les termes de la loi. En effet, les sommes qui pourraient devoir être déboursées pour engager des experts, pour appliquer des solutions de décontamination ou pour compenser les dommages causés sont d’une importance colossale. Certains chiffres avancés pour le nettoyage et la décontamination à lac Mégantic montent à 190 millions de dollars.

Ainsi la protection de l’environnement est certainement une considération qu’on ne peut plus mettre de côté dans le développement de la province. Par contre, il est fort dommage de constater que ce n’est qu’après coup que les actions sont prises. La solution serait peut-être d’exiger plus de comptes à rendre de la part des entreprises, particulièrement celles qui font des activités risquées (par exemple la gestion, la production ou le transport de matières dangereuses). Pour ce faire, il fraudait évidemment investir de façon bien plus importante dans la prévention et l’évaluation des risques environnementaux au sein du Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Il en va de la santé de notre planète et évidemment de la nôtre.

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