Je suis absolument contre les spectacles animaliers ou autres attractions exploitant des animaux. Les cirques, Sea World, services de nage avec les dauphins ou de tours à dos d’éléphants… Depuis que je suis petite que se développe en moi un certain malaise face à ces activités. De plus en plus, je l’explore, je me questionne et je découvre en grinçant des dents que cette industrie de misère est encore beaucoup plus développée que ce que je m’imaginais. Sans vouloir ici vous convaincre de bannir ces activités de votre mode de vie (gardons cela pour un prochain article, peut-être?) en vous exposant en détails mon point de vue, je souhaite cependant souligner que ce malaise part certainement de l’utilisation de l’animal pour l’amusement de l’humain.e. Comme si leur finalité était de servir notre plaisir. Comme si les rires des enfants, les photos-souvenirs et les applaudissements de la foule valaient les coups de bâton dans les yeux que l’on donne aux éléphants pour les dompter dans la peur, les cages minuscules dans lesquelles les animaux de cirque passent la majorité de leur vie et leur stress d’être en contact constant avec des spectateurs excités. Si je mentionne cet aspect, c’est que dans mon esprit, les parcs zoologiques tombent dangereusement dans cette catégorie. Bon, je vous vois déjà rouler des yeux : mais attendez! Laissez-moi une chance, c’est promis, mon opinion sera désormais plus grisonnante.
Qui n’a jamais visité un zoo? Personne? Fort probablement. Dans mon cas, un petit album photo rouge me rappelle un périple au zoo, tout comme mon petit béluga en peluche blanc venant marquer ma première expérience au Zoo de St-Félicien. Au Québec, l’expérience est particulièrement accessible. En effet, on compte une bonne trentaine de zoos et aquariums de tous genres.
Mais qui peut donc avoir un zoo?
Tout le monde! Oui, oui; n’importe qui, ou presque! Grande surprise de mon côté. Aucun diplôme, aucune formation ne sont nécessaires. En fait, il vous faut un permis professionnel de garde d’animaux : celui visé par l’article 5 du Règlement sur la garde d’animaux en captivité, qui vous demande, si vous l’utilisez pour opérer un jardin zoologique, de garder ce dernier ouvert au moins 90 jours par année (art. 15 par. 1). D’ailleurs, il ne s’agit pas d’un permis spécifique aux opérateurs de zoos et si vous souhaitez produire un spectacle animalier, c’est le même permis qui sera nécessaire. Également, vous serez heureux d’apprendre que maintenant que vous pouvez opérer votre zoo, sans expérience ou employé compétent en biologie animale (sous les 500 animaux) et après avoir rempli quelques conditions, vous n’êtes même pas tenu d’engager un vétérinaire à temps plein… à moins que vous ayez plus que 500 animaux. À 50 animaux, c’est seulement une visite du professionnel par année qui est nécessaire. Une malheureuse visite. Franchement insuffisant, si vous voulez mon avis.
En effet, je vous parlais de conditions plus tôt. Vous devrez, entre autres, fournir une liste des animaux que vous avez en votre possession et, tout de même, suivre les règles de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune en ce qui concerne la capture et l’importation des animaux qui garniront votre zoo. On s’assurera également que vous n’avez pas d’antécédents à l’égard de certaines infractions concernant les animaux, dans les dernières années.
Également, il faut reconnaître que certains zoos ont à cœur le bien-être de leurs animaux. Je pense, entre autres, à ce couple de la Beauce qui exploite un zoo avec passion sur son terrain et qui prend soin d’animaux blessés ou ayant besoin de soins spéciaux, qu’on ne verrait peut-être habituellement pas au zoo. Je pense aussi à ce zoo qui s’assure de fournir les fruits et légumes les plus frais à ses animaux, comme la laitue et le bambou qu’il cultive sur son enceinte. Exemple encore plus concret, Aquariums et zoos accrédités du Canada (AZAC) accrédite les établissements qui le souhaitent lorsqu’ils suivent le code déontologique et les normes proposées. Ces normes sont très axées sur le bien-être des animaux et le respect de la biodiversité. C’est, en effet, la distinction qu’apporte cette accréditation. Or, elle n’est pas obligatoire aux opérateurs de zoos. Seulement sept zoos québécois y sont assujettis sur la trentaine d’établissement. Il reste du chemin à faire. Peut-être rendre l’accréditation de l’AZAC obligatoire aux exploitants de parcs zoologiques? Je lance cela comme ça, on ne sait jamais…
Cependant, même si le bien-être de l’animal semble être au cœur des préoccupations de certains opérateurs zoologiques, ce qui me chicote, c’est que le zoo, c’est avant tout une « business ». C’est un divertissement, un investissement et un moyen de faire des profits. Ah, les profits. Les zoos entrent en compétition avec tous les autres établissements que l’on fréquente pour notre amusement et tenteront donc de se démarquer, parfois même au détriment des animaux. Comme ce zoo qui sépare les animaux nouveau-nés de leurs parents afin de les désensibiliser aux visiteurs et de permettre à ces derniers de les tenir et les caresser (on ne parle pas de chats ici mais bien de tigres, gardez-le en tête). Et bien, quelle surprise, une visiteuse fut blessée et le zoo fut réprimandé. Si on peut toujours caresser tigreaux et lionceaux au zoo, au grand désarroi de l’AZAC qui critique (avec raison) cette pratique, le propriétaire a d’abord cru qu’on lui interdisait de continuer à tenir cette activité. Quel fut sa première réaction? La peur de perdre de l’argent et des clients, évidemment. Ensuite, il lança même qu’il s’agissait certainement d’un complot pour atteindre son entreprise. Or, monsieur semble avoir ici oublié que la manipulation d’animaux exotiques par des gens non qualifiés constitue un risque à plusieurs égards… Autre exemple frappant : cet article sur un zoo à vendre où on ne mentionne jamais aucun animal, mais où on se vante de la bonne santé financière de l’endroit, des profits qu’il apporte. En général, dans le milieu, il semble y avoir un immense détachement à l’endroit des animaux. Sans prêter de mauvaises intentions à qui que ce soit, on semble mettre en place des actions qui font bien paraître le zoo aux yeux des visiteurs afin de les attirer dans notre établissement avant tout.
Non, je ne dis pas que les zoos sont complètement horribles. En effet, certains auteurs s’entendent même pour dire que les zoos sont la façon de sauver certaines espèces de l’extinction et certains exemples concrets vont même dans cette direction. Je suis entièrement d’accord. Mais d’amener un lion au Québec dans la neige afin de le séparer de sa future progéniture qui se fera caresser par des enfants maladroits dans un environnement complètement stérile n’est peut-être pas le meilleur moyen de le faire. Le danger, c’est d’avoir deux objectifs relativement incompatibles : faire le plus d’argent possible et (prétendre) vouloir sauver la biodiversité et sensibiliser la population. Je vous partage également cette citation de Valéry Giroux qui travaille au Centre de recherche en éthique de l’Université de Montréal : « On peut exploiter gentiment sans que ça soit correct moralement (…). Les animaux qu’on enferme dans les zoos, comme ça, qui occupent des espaces de 60 à 100 fois plus petits que les plus petits territoires qu’ils occuperaient naturellement en viennent souvent à développer des signes d’aliénation mentale, des problèmes de santé mentale, des problèmes de comportement. Quand on pense éduquer des enfants au respect de la nature, ce qu’on leur apprend, en fait, c’est que des animaux sauvages, ça devrait être enfermé et qu’ils sont là pour notre simple divertissement. »
L’important, je crois, est de demeurer conscient de la véritable nature de l’industrie zoologique et de se rappeler qu’il s’agit avant tout d’un divertissement, avec tout ce que cela implique. Maintenant, il reste certains choix meilleurs que d’autres, comme de fréquenter uniquement des parcs certifiés par l’AZAC ou des parcs qui se limitent à une faune de la région qui peut vivre relativement librement. Il reste également mon option favorite; celle d’aller faire une randonnée en nature et de garder l’œil ouvert pour les rencontres improvisées qui pourraient se produire, car, je vous l’assure, croiser une famille de cerfs dans une clairière ou des dizaines de primates sur un volcan quand tu ne t’y attends pas, ça peut être bien plus impressionnant et réjouissant que d’aller visiter un tigre dépressif gardé en cage à des milliers de kilomètres de sa savane natale…
Camille Péloquin
Pour l’Association pour la protection des animaux