AVOCATS SANS FRONTIÈRES

La première édition du colloque du Réseau universitaire d’Avocats sans frontières Canada portant sur « La défense des droits humains et la primauté du droit à l’échelle internationale » fût un franc succès! Votre association d’ASFuOttawa tient à remercier le comité colloque, sans lequel cet évènement n’aurait pas eu lieu, ainsi que tous les membres qui y ont participé. Nous tenons également à souligner le travail de votre VP colloque et évènements, Marie-Charlotte Beaudry, qui a su faire preuve de leadership et relever le défi avec brio.

L’historique de l’Arabie saoudite en matière de violation des droits de l’Homme est bien connu. L’égalité hommes-femmes, la liberté de religion, la liberté d’expression, la liberté de presse, la liberté d’association, le droit à un procès équitable et à la protection contre les détentions arbitraires sont des droits dont la population saoudienne est privée. Le gouvernement saoudien réprime et condamne la dissidence par des actes condamnables au sens du droit international : les exécutions sur la voie publique, les décapitations, la torture et les mauvais traitements reflètent le fonctionnement du système judiciaire du Royaume.
C’est à la suite de la conférence de Mireille Elchacar exposant le cas de Raïf Badawi et la situation des droits de l’Homme en Arabie saoudite que le conférencier Daniel Turp, professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal, utilisa sa conférence comme tribune afin de promouvoir et annoncer publiquement l’opération « Droits blindés ». Avec l’appui d’un groupe d’étudiant en droit, il entend intenter prochainement un recours judiciaire contre le gouvernement fédéral, que son groupe accuse d’exporter du matériel militaire à l’Arabie saoudite qui serait utilisé pour commettre ou faciliter les violations des droits des populations civiles saoudiennes et celles des pays voisins. L’objectif est de dénoncer le contrat de 13 milliards de dollars US que le gouvernement du Canada a conclu avec le fabriquant de véhicules blindés légers General Dynamics qui violerait les lignes directrices adoptées par le cabinet fédéral en matière de licence d’exportation et d’importation.
En plus d’être illégal, le soutien et le cautionnement d’un tel contrat est immoral, estime le professeur Turp. Tout d’abord, le regroupement tentera de démontrer à la Cour fédérale que le gouvernement ne s’est pas acquitté de ses obligations de contrôle, afin qu’elle reconnaisse l’interdiction de la vente de véhicules blindés légers à l’Arabie saoudite. Plus précisément, le fondement de cette démarche judiciaire est la Loi sur les licences d’exportation et d’importation qui interdit l’exportation d’armes vers des pays où de graves violations des droits de la personne ont été rapportées. Une exception s’applique lorsqu’il est possible de prouver que les armes ne risquent pas d’être utilisées contre la population civile du pays importateur. Or, plusieurs organismes internationaux ont par le passé démontré que l’Arabie saoudite ne peut se prémunir de cette exception. En ce sens, «on va plaider que puisque l’Arabie saoudite commet de graves violations des droits de ses citoyens, cette exportation ne devrait pas être permise et que les licences (délivrées par le gouvernement fédéral) ne devraient pas être émises», explique M. Turp. De plus, ce qu’entend démontrer M. Turp c’est qu’en violant sa loi interne, le Canada viole également le droit international. Cette lutte judiciaire sera donc menée par tous les moyens juridiques disponibles, notamment la Charte canadienne des droits et libertés qui sera invoquée pour l’application de sa portée extraterritoriale et l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ayant comme assise l’idée de fraternité et de solidarité, qui sera invoquée pour dénoncer la condition de nos confrères et consœurs internationaux dont les droits fondamentaux sont constamment bafoués.
Ensuite, «nous allons démontrer que l’autorisation d’exporter des produits militaires en Arabie saoudite est incompatible avec la responsabilité que s’est fixée le Canada en matière de promotion du respect des droits fondamentaux de la personne, dont les droits des femmes», a déclaré M.Turp lors de son communiqué. Ainsi, ce dernier désire que le gouvernement de Justin Trudeau fasse preuve de cohérence entre les idéaux et les valeurs canadiennes en matière de droit de l’Homme et ses décisions en matière de vente d’armements militaires, afin de respecter notre État de droit. En terminant, M. Turp est d’avis que le refus d’annuler ce contrat est un double discours, puisqu’alors dans l’opposition le gouvernement libéral dénonçait cet engagement pris par le gouvernement conservateur en 2014.