CHRONIQUE ÉCHANGE

La Belgique, mon pays d’accueil…
Quatre mois de rêve, d’aventure, d’irréel, de découverte, de rire, de liberté, d’émotions, d’air frais, de nouveaux horizons. Partir ailleurs pour respirer, réfléchir, me submerger dans une autre réalité, du jamais vu, l’inconnu. Je me suis enfuie, pour m’épanouir loin des regards oppressants, pesants, éreintants. J’avais besoin de gouter à la vie, à la vraie vie, avant de plonger à nouveau dans l’assourdissante, l’aliénante réalité de la société qui nous tient captifs.
C’est dans cet esprit de liberté, cette envie de renouveau et de rompre avec la monotonie du quotidien que je suis partie pour vivre une aventure qui a surpassé toutes mes attentes. J’ai opté pour la Belgique, pays francophone, dont Bruxelles, la capitale, est aussi la capitale de l’Europe. Centre de l’Union Européenne, c’était l’endroit idéal pour acquérir des connaissances et des compétences quant au droit européen et son interaction avec l’ordre juridique interne des pays membres. De plus, plusieurs institutions, telles la Commission Européenne et le Conseil Européen, et divers organismes internationaux, dont le siège de l’OTAN, sont présentes à Bruxelles. Pour avoir une expérience étudiante unique en son genre, l’on m’avait conseillé l’Université Catholique de Louvain, à Louvain-la-Neuve, ville-campus se trouvant tout près de la capitale. Les étudiants internationaux de partout y affluent et les soirées étudiantes y sont innombrables. J’y ai d’ailleurs rencontré de nombreux Québécois avec qui j’ai organisé des voyages au sein de la Belgique et ailleurs. J’ai pu y suivre des cours fort intéressants, soit notamment un cours sur le droit des réfugiés, particulièrement pertinent au regard de l’actualité, et un cours de droit constitutionnel comparé, traitant des questions épineuses transversales aux textes constitutionnels respectifs des pays membres de l’Union. La formation juridique que j’y ai suivie est inestimable pour une juriste comme moi-même, intéressée par le droit et les relations internationales.
Par ailleurs, je dois dire que la Belgique m’intriguait depuis longtemps, et j’étais curieuse de découvrir la culture et l’histoire de ce pays ayant une structure fédérale et un clivage linguistique et culturel tout comme le Canada, mais sur lequel je connaissais si peu de choses. Ce petit territoire, niché entre les géants que sont la France et l’Allemagne, devait également se révéler être pour moi une porte sur l’Europe, qui ne m’avait jamais été aussi accessible. Amsterdam, Copenhague, Dublin, Berlin, Budapest, Bucarest, Luxembourg, Genève, et tant d’autres villes que je ne connaissais que de nom et de rêve, se sont retrouvées au bout de mes doigts ! J’en ai donc profité pour vivre l’expérience étudiante ultime du backpacking, des auberges de jeunesse et des « walking tours », tissant des amitiés un peu partout et m’émerveillant de chaque nouvel endroit. J’ai pu concentrer mes cours et mes périodes d’études, me permettant de voyager presque toutes les fins de semaines, visitant ainsi 11 pays en 4 mois! Je me suis fait des amis de partout, tant de Grèce, d’Espagne, d’Italie, de Turquie, de France, d’Angleterre, de Roumanie, que de Belgique !
Des souvenirs impérissables…
Ce qui m’a marquée en Belgique, et que je ne risque pas d’oublier, ce sont, entres autres, les grandes places, les rues étroites, soit surtout les impasses de Liège, les vieux bâtiments, les gaufres liégeoises, les marchands de chocolat, la chaleur et l’amabilité des Belges, les canaux qui traversent les villes, surplombés de petits ponts romantiques où les passants se promènent, tel qu’à Bruges et à Gand, le multilinguisme de Bruxelles, la complexité des structures administratives belges, les rues piétonnes, les châteaux anciens à visiter, tel qu’à La-Roche-en-Ardenne, le festival de Wallonie, les centaines de délicieuses bières, dont la Jupiler, la Grimbergen et la Bush, les statues un peu partout, les marchés du dimanche, les chars rocambolesques du 24h vélo à Louvain-la-Neuve, les musées historiques, le train qui traverse le pays en quelques heures seulement, les magnifiques gares, soit particulièrement celle d’Anvers, les accents régionaux, les sandwichs de pain baguette à 3 euros, les boulangeries, les boulets liégeois, les superbes cathédrales, les noms de ville étranges, les moules-frites, les magnifiques hôtels de ville, le mot « savoir » qu’ils utilisent à la place du mot « pouvoir », le « septante » qui remplace « soixante-dix » et le « nonante » qui remplace « quatre-vingt-dix », les quelques mots en Flamand que j’ai appris, dont « danku » signifiant « merci » et « burger » qui veut dire « citoyen », et j’en passe ! J’ai récolté une myriade de souvenirs en ces quatre mois, et j’ai l’impression qu’après mon échange, la Belgique c’est un peu chez moi, maintenant, et qu’une part de moi y restera pour toujours.
Mes multiples voyages ont également marqué ma mémoire à tout jamais, soit surtout les paysages irlandais et tous leurs moutons, les saunas suédois, l’étrange langue hongroise, les montagnes en Roumanie, toutes les pièces de différentes devises que je ramène chez moi, surtout les remarquables couronnes danoises avec leurs gravures en forme de cœur, le mur de Berlin, les maisons de toutes les couleurs à Copenhague, les pigeons devant la cathédrale Notre-Dame de Paris, les vélos omniprésents à Amsterdam, les transports en commun de toutes sortes, les parapluies bleus, rouges ou oranges des guides dirigeant les visites guidées, les lits superposés des auberges de jeunesse, les sièges en plastique des vols Ryan Air, les grandes roues illuminées des marchés de Noël, le lac de Genève, les lumières de Rotterdam la nuit, les vendeurs d’œuvres de littérature française tout au long de la Seine, les rues marchandes et de restaurants, la soupe aux intestins que j’ai goûtée à Brasov, ma pièce préférée dans le Musée d’Orsay, à Paris, le goulash hongrois, le concert extérieur que j’ai vu à Maastricht, les édifices érigés sous le communisme à Budapest, les cartes pliées, déchirées et rangées un peu partout, ainsi que les longues journées de marche pour tout découvrir et visiter en trop peu de temps !
De plus, ce qui est magique d’être en Europe pendant le mois de décembre, ce sont les marchés de Noël dans presque toutes les villes, où des marchands vous présentent des bricoles, du fromage, du pain d’épice, du nougat, de la tartiflette, des beignets, des châtaignes grillées, des saucisses allemandes, des verres de vin chaud, et plein d’autres collations et sucreries alléchantes, en plus de magnifiques décorations festives et d’attractions pour tous les âges. Je n’avais jamais rien vu de tel !
Un enrichissement personnel inestimable…
Partir à l’étranger, c’est surtout un cheminement personnel sans pareil, une découverte de soi et de l’ « autre », une remise en question des prémisses qui nous semblaient auparavant irrécusables. Le voyage nous permet de redéfinir notre conception de l’« autre », de cultiver l’ouverture d’esprit et la tolérance, et nous gratifie d’un regard nouveau sur notre propre pays, notre propre culture et de notre conception des choses et du sens de la vie dans son intégralité. Partir ailleurs permet de vaincre la peur souvent tapie dans notre subconscient de l’inconnu, de sortir de sa zone de confort, et de façon pragmatique, d’améliorer son sens de l’orientation (considérablement dans mon cas), d’apprendre à faire face à des situations inattendues, à composer avec ce qu’il y a autour de nous, à parler aux gens, à essayer de nouvelles choses, bref, à grandir !
Pour ma part, ces quatre mois ont amorcé en moi ce que je recherchais vainement depuis si longtemps. J’ai enfin appris à lâcher prise, à me recentrer sur l’important – rien – car la vie continue toujours. Les faux pas deviennent des poussières de chance, de nouvelles possibilités, et les mauvais moments ne nous font qu’apprécier davantage les instants exquis saupoudrés de bonheur. J’ai appris à me connaître, sous toutes mes formes et sous tous mes visages, loin de tout, au cœur du monde. Dénuée de toutes mes attaches, de toutes les lumières qui éclairent mon chemin depuis l’aube de ma vie, j’ai su voir qui je suis, moi, ou du moins une infime parcelle de qui je peux être. J’ai reconnu les traits qui me sont propres, se distinguant de ceux qui me sont imposés par la lourdeur et le chant incessant du quotidien qui me paraît parfois si fade que sa vision se déteint sur mes habits, ma peau et mes pensées. J’ai vu dans ces multiples pays, les nombreuses facettes du bonheur, et je suis maintenant consciente qu’il est immatériel et indéfinissable, et qu’il ne faut pas le poursuivre mais le vivre, le ressentir, en chaque instant appréciable de notre existence.
J’ai vécu mon échange à mille à l’heure, les yeux grands ouverts, brillants, pétillants, vivants, où chaque jour fut marqué d’émotions vives, d’adrénaline, et d’une volonté fulgurante de tout voir, de tout apprendre, de tout essayer, d’aller plus loin, plus vite, encore. Je me suis ressourcée des rencontres inespérées, des paysages admirés, de la folie consommée, des couleurs et des saveurs, exaltée. Mon périple m’a appris que tout est possible, et qu’il n’en tient qu’à nous de se défaire des chaines invisibles qui nous maintiennent cloués dans cette réalité imposée, nous entrainant et nous aspirant, malgré nous, à toute vitesse. Le voyage nous permet ainsi de plonger dans le monde tel qu’il est, une mer d’infinies possibilités, de voguer et de naviguer vers des opportunités inespérées.
Un périple rêvé…
J’oublierai peut-être un jour les visages, le détail des paysages, les traits saillants des visites guidées, mais je n’oublierai jamais cet apprentissage, cette transformation, ce chamboulement que j’ai vécu lors de ces quelques mois dans cet interstice de ma jeunesse, lors de ce périple merveilleux, dont j’avais maintes fois rêvé, d’un rêve lointain, flou, qui me semblait inatteignable, mais que jamais je n’aurais pu imaginer dans sa pleine concrétisation. Aujourd’hui je vois plus clair, et je suis fière d’avoir osé sauter dans l’avion vers le grand continent, pour faire face à nulle autre que moi, enfin. Rien ne sera plus pareil à présent, mais cela ne me fait pas peur, car la capacité d’adaptation, l’ingéniosité et la détermination, sont choses maîtrisées à présent.
Je suis loin d’avoir tout trouvé, mais je sais maintenant que je fleurirai partout où la vie me portera, où que ce soit.