Après plus de deux ans en pandémie, il est incontestable que la médecine moderne, ou occidentale, a démontré a qu’elle point elle peut innover et guérir un grand nombre de personnes dans un laps de temps réduit. En effet, avec l’arrivée des tests de dépistages, des tests rapides et de la création d’un vaccin pour la Covid-19 en moins de deux ans, il est possible de dire que lorsque tout le monde s’y met, la science peut avancer très rapidement. Cependant, il a été possible de voir que toutes les autres formes de médecines, incluant la médecine traditionnelle, n’ont pas été approchées comme remède à la Covid-19. Je me pencherais donc dans cet article sur l’importance de la médecine traditionnelle dans le droit et la coopération internationale.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la médecine traditionnelle peut être définie comme la somme des connaissances, des compétences et des pratiques reposant sur des croyances d’une culture, qu’elles soient explicables ou non, et qui permet de préserver la santé comme la prévention, l’amélioration ou le traitement de maladies physiques ou mentales (Stratégie de l’OMS pour la médecine traditionnelle pour 2014-2023, page 15). Certains auteurs mentionnent que la médecine traditionnelle est basée majoritairement sur les traitements par les plantes. La médecine traditionnelle s’inscrit dans la médecine complémentaire, qui elle peut se définir comme l’ensemble des pratiques de santé qui ne font pas partie de la médecine conventionnelle et prédominante, ce qui est habituellement la médecine occidentale. On retrouve de nombreux exemples à travers le monde de ce type de médecine, notamment la médecine chinoise, la médecine japonaise, la médecine indienne et la médecine autochtone.
L’OMS, ayant comme mandat d’amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevée possible (Constitution, art. 1), prend de plus en plus en compte ce type de médecine pour essayer d’atteindre son objectif. Comme le mentionne la Stratégie, « Pour plusieurs millions de personnes, les médicaments à base de plantes, les traitements traditionnels et les praticiens traditionnels constituent la principale voire l’unique source de soins de santé » (page 16).L’OMS a donc comme objectif de mettre à profit les avantages de la médecine traditionnelle pour le bien-être de la population et de favoriser son usage au moyen de réglementation des produits, des pratiques et des praticiens.
Cependant, l’importance grandissante de la médecine traditionnelle se heurte à un défi majeur. En effet, bien que le phénomène ne soit pas nouveau, on voit une recrudescence de la biopiraterie depuis plusieurs décennies. La biopiraterie peut être définie comme l’accès et l’utilisation de ressources et de savoirs traditionnels, majoritairement par des entreprises pharmaceutiques ou gouvernementales, en violation des droits des détenteurs de ces connaissances, majoritairement les communautés autochtones et locales. Lorsqu’on parle de violation des droits, on fait notamment référence au non-respect du consentement et le partage libre et éclairé des avantages découlant de l’utilisation des ressources. La forme la plus flagrante de cette violation est l’implantation de brevet sur des molécules de plantes pour la création de médicaments, par exemple, sans avoir consulté et reconnu les détenteurs des savoirs.
En effet, un brevet, selon de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent le commerce (ADPIC), peut être définit comme un droit exclusif de fabrication, d’utilisation, de vente et d’exportation sur un produit précis (Art. 28). Ce brevet permet donc d’avoir un contrôle exclusif sur une connaissance pour une période de 20 ans (Art. 33). Les brevets sont donc un outil extrêmement puissant pour s’approprier les connaissances et les savoirs des peuples autochtones. En effet, il a été possible de voir à travers le monde, mais particulièrement dans les régions de l’Amérique latine, l’appropriation de plantes ou de molécules de plantes pour la confection de médicaments par des gouvernements ou des compagnies pharmaceutiques. La conséquence majeure de cette appropriation est que les peuples autochtones se retrouvent souvent dans l’impossibilité d’avoir recours à ces molécules ou plantes, ce qui affecte grandement leurs modes de vie, dont la santé et la médecine, car les compagnies ont déposé un brevet sur ces plantes. De ce fait, il n’est impossible pour aucune autre personne d’utiliser ces produits.
En 2008, l’OMS a adopté la Déclaration de Beijing qui rappelle l’importance de la médecine traditionnelle. L’OMS rappelle que la médecine traditionnelle et l’éventail de soins de santé primaires sont primordiaux pour des millions de personnes, notamment sur la question de la disponibilité et de l’accessibilité. Elle rappelle aussi que la médecine est au cœur de la coopération internationale en matière de santé et que tous les acteurs doivent agir conformément à la Charte des Nations unies, notamment sur la question des relations amicales mentionnée à l’Art. 1. En effet, les gouvernements ont la responsabilité d’élaborer des politiques garantissant un usage approprié, sûr et efficace de la médecine traditionnelle, ce qui inclut la reconnaissance des savoirs et des connaissances des peuples autochtones en médecine traditionnelle, particulièrement lorsqu’il est question de l’inscription des détenteurs de brevet.
La question de la médecine traditionnelle en coopération et droit international est encore à ces débuts. En effet, bien qu’il y ait eu une amélioration dans les dernières décennies de la part d’acteurs internationaux, notamment l’OMS, il reste énormément de chemin à faire. Au cœur de cette problématique juridique, il reste des peuples qui sont encore une fois victime de leurs savoirs. Je crois donc que les prochaines étapes doivent prendre en compte cette dynamique exploiteuse/victime.