Concours de rédaction 2020-21
Confinement et violence conjugale
Avertissements préalables :
- La violence conjugale n’a pas de genre, ni de sexe, ni d’âge, ni de hiérarchie sociale. Par contre, dans ce texte, je parlerai des femmes, étant donné qu’elles représentent 78% des victimes de violence conjugale1.
- Ce n’est pas tous les hommes qui ont des comportements violents, mais assez pour que l’on soit toutes effrayées.
- Sujets sensibles; la rédaction aborde : la violence conjugale, les agressions, le meurtre et l’inaction de l’État.
Contexte
Chaque année, une dizaine de femmes au Québec sont tuées dans un contexte de violence conjugale. Ce chiffre est d’autant plus préoccupant car le quart des crimes contre la personne sont commis dans ce même environnement. À croire que notre résistance est l’unique réponse afin d’obtenir le respect de notre existence.
L’isolement dû à la COVID-19 n’est pas synonyme de sécurité pour tous. Le gouvernement du Québec jongle entre sauver des vies et préserver la qualité de vie. « Le confinement a accru les tensions et les épisodes de violence dans beaucoup de foyers », mentionne Claudine Thibaudeau, travailleuse sociale à SOS Violences Conjugales. Les victimes n’ont plus le répit que leur donnaient certaines sorties, comme aller au travail. Et sans regard extérieur, les agresseurs se limitent moins. En effet, d’après une étude menée par l’ONU, le confinement a aggravé de 30% les violences conjugales à travers le monde. Ainsi, ce confinement est synonyme de séquestration pour plusieurs victimes, qui se voient contraintes davantage, étant donné que l’agresseur est confiné à leurs côtés. Comme mentionné par Carmen Gill, professeure de sociologie à l’Université du Nouveau-Brunswick : « L’endroit le plus dangereux pour les femmes et les filles, c’est à la maison. […] Le rapport le démontre bien, elles sont généralement tuées dans un espace privé. Elles sont tuées par des hommes qu’elles connaissent, ce sont des partenaires ou des membres de la famille »2.
Malgré les chiffres en constante augmentation, les dénonciations sont moindres. Essentiellement, ces données peuvent être expliquées par la contrainte des victimes à demeurer dans un domicile avec leurs propres agresseurs. C’est pourquoi, lorsque « vous considérez l’ampleur du problème et le silence qui l’entoure, vous avez créé l’une des pires crises de santé publique que l’on ait vue depuis longtemps, mais elle n’obtient aucune reconnaissance »3.
Féminicides
Le matin du 23 mars 2021 fut un réveil brutal pour tous. Le gouvernement nous annonce une possible troisième vague. Les cas de la COVID-19 ne diminuent point.
Pourtant, ce n’est pas cette nouvelle qui me fracasse le cœur en mille morceaux, mais bel et bien le septième féminicide en moins de sept semaines au Québec. Les femmes sont effrayées. Je le suis. À croire que la voix d’un corps inerte résonne plus que celle d’une survivante. Le mot féminicide que mon ordinateur surligne en rouge, comme s’il n’existait toujours pas. Ce terme définit par le gouvernement du Québec lui-même :
« Meurtre d’une femme au simple motif qu’elle est une femme, quel que soit le contexte. (…) Le mot-valise feminicide, contraction des mots anglais female et homicide, est alors employé lors du premier tribunal international sur les crimes contre les femmes à Bruxelles et désigne « un crime de haine envers des femmes et perpétré par des hommes (…). »
Ressources
Le manque de ressources est flagrant. Nous sommes dans une société patriarcale où certains comportements de violence envers les femmes sont normalisés et supportés. Ces situations ont des répercussions sur la population entière, mais particulièrement sur ces 14 nouvellement orphelins. Je rêve au jour où je serai une post-féministe, dans une société post-patriarcale.
La justice est coupable de cette injustice. Nous pouvons songer à Magali Blandin, une résidente de la France, une mère de quatre enfants qui a été sauvagement tuée par son mari. Madame qui avait auparavant porté plainte pour violence conjugale, la plainte ne fût jamais poursuivie. C’est assez. Leur silence rend complice.
L’État
Le premier ministre François Legault qui par ailleurs s’est prononcé au sujet de la violence conjugale : « Ça n’a pas de bon sens, qu’en 2021, on vive comme des barbares (…) Il n’y a rien de viril à être violent avec une femme. » lance-t-il en conférence de presse aux hommes. Malgré les propos de M.Legault, où sont-elles les ressources adaptées à la situation actuelle? Je ne veux toutefois pas insinuer qu’il n’y a pas de ressources, car en effet, il y en a, mais ce serait un euphémisme de signifier qu’il y en a assez. Effectivement, nous sommes actuellement incapables de répondre à la demande de services ainsi que d’éliminer les listes d’attente. En ce moment même, que ce soit pour chercher de l’aide en tant que victime ou pour ceux souhaitant changer leurs comportements violents, il y a une attente interminable. En 2020, plus de 10 000 demandes ont été refusées au Québec entier dans 36 établissements d’hébergement pour femmes4. D’autre part, les hommes violents qui souhaitent obtenir de l’aide sont placés sur une liste d’attente qui s’étire jusqu’à trois mois, afin d’avoir accès à de la thérapie5. C’est inacceptable.
En fait, notre conseil exécutif n’a toujours aucune personne responsable de la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce qui est complètement aberrant. Comment pourrions-nous même suggérer qu’il y a une égalité hommes-femmes lorsque nos femmes se font tuer de sang-froid par leur compagnon de vie? En plus d’assister à une pandémie mondiale, nous faisons face à une épidémie de violence envers les femmes au Québec. Il est primordial de se rappeler que c’est un enjeu social qui concerne l’ensemble de la population.
Qu’en est-il du montant de 30% supplémentaire prévu dans le plan d’action en violence conjugale annoncé de l’an dernier ? M. Legault semble avoir trahi sa parole car aucune somme n’a encore été versée. En effet, ce dossier est atrocement géré. La ministre de la condition féministe n’était toujours pas informée que la somme n’avait pas été reçue. Également, contrairement à ce qu’affirme la ministre de la Condition féminine Isabelle Charest, seulement 2 régions sur les 17 régions administratives du Québec ont eu accès au financement alloué dans le cadre du plan d’action pour prévenir la violence conjugale pour les maisons d’hébergement. « Or, il est grand temps que le financement se rende aux maisons d’hébergement qui sont les seules à pouvoir assurer la sécurité des femmes fuyant la violence de leur conjoint, selon la directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, Manon Monastesse »6 .
Espoir
Sur une note positive, le dépôt et la première lecture à la chambre des communes du projet de loi C-247. Ce projet aura un impact considérable, car il va reconnaître la violence conjugale entre partenaires intimes dans le Code criminel, même sans preuve de violence conjugale. Ainsi si ce projet de loi est adopté, les conduites contrôlantes ou coercitives qui mènent à la violence conjugale seront plus clairement encadrées.
Elle était seule, mais nous sommes des millions. Pas une de plus.
À la mémoire de :
Elisapee Angma, une mère de famille âgée de 44 ans.
Marly Edouard, une femme âgée de 32 ans.
Nancy Roy, une mère de famille âgée de 44 ans.
Myriam Dallaire une femme âgée de 28 ans et sa mère Sylvie Bisson âgée de 60 ans.
Nadège Jolicœur, une mère de famille âgée de 40 ans.
Rebekah Harry, une femme âgée de 29 ans.