Où se dirige votre première pensée lorsque vous entendez l’expression « accès à la justice » ?
Les longs délais? Les frais de justice exorbitants? L’ampleur de la « machine judiciaire »? La problématique est en fait beaucoup plus complexe et inclut de nombreuses autres variables. En effet, le plan stratégique 2015-2020 du Ministère de la Justice du Québec prévoit que les enjeux importants incluent la diversification linguistique de la clientèle, la forte croissance démographique, la complexité d’exécution du mandat judiciaire dans les régions éloignées des grands centres, des ressources limitées, la hausse des demandes de services juridiques, etc.
Les statistiques sont flagrantes! Selon une enquête menée par le Ministère de la Justice du Québec en 2016, 45% des répondants ont une opinion négative du système de justice québécois; 41% lui font peu ou pas du tout confiance et 69% considèrent qu’ils n’auraient pas les moyens financiers d’aller en cour pour défendre leurs intérêts. Cette impossibilité est majoritairement causée par les honoraires d’avocat, pour 87% des répondants.
Il y a cependant quelques statistiques rassurantes. Grâce à un meilleur accès à l’information, 56% des répondants connaissent d’autres moyens que les tribunaux pour obtenir de l’aide pour leur problème légal . C’est, selon moi, l’un des moyens les plus importants pour pallier à ce problème de société.
Certaines initiatives sont mises de l’avant pour remédier à la situation : quelles soient locales, régionales ou nationales.
D’abord, les services communautaires, comme la Clinique de droit notarial de l’Université d’Ottawa ou le Centre de justice de proximité, deviennent, ni plus ni moins, que des institutions dans leur communauté. Ils permettent aux citoyens d’avoir accès à un service où ils peuvent avoir des réponses à leurs questions sans avoir à débourser de frais et dans des délais beaucoup plus courts que ce qu’ils auraient eu dans le système juridique.
Les nombreuses lignes téléphoniques ou services en ligne qu’offrent les bureaux de juristes, les organismes ou les différents ministères gouvernementaux sont également un moyen essentiel d’obtenir de l’information gratuitement. Ces deux outils permettent une diffusion d’information et de la formation, deux outils importants pour lutter contre le problème d’accès à la justice . Par exemple, Éducaloi est un service offert par le gouvernement provincial qui fait une vulgarisation de plusieurs sujets récurrents chez les justiciables.
Ensuite, les moyens de prévention et de règlement des différends sont en plein essor et permettent de désengorger les tribunaux en offrant d’autres alternatives aux individus qui n’ont pas le désir de confrontation . Ces moyens ont aussi l’avantage d’être moins coûteux que d’aller devant les tribunaux.
Il y a également le service de l’aide juridique pour les gens qui ont besoin des services d’un avocat, mais qui n’ont pas les moyens financiers pour ce service. Toutefois, la grande limite est le fait que ce service n’est pas accessible à tous, malheureusement. En effet, que ce soit en Ontario , au Québec ou dans le reste du Canada, l’aide juridique est réservée aux citoyens qui sont dans une situation d’extrême pauvreté. Dans des cas particuliers, comme en Colombie-Britannique, l’aide juridique y est exclusive aux situations de droit criminel.
Finalement, Pro Bono Students Canada est un programme pour les étudiants de droit à travers le Canada qui offre des services juridiques gratuits, par le biais de bénévoles, à travers vingt-deux facultés de droit d’universités canadiennes, dont la faculté de droit civil et la faculté de common law de l’Université d’Ottawa. Elle permet d’aider de nombreux organismes et tous les individus qui les fréquentent à avoir accès à de l’information juridique en toute confiance.
Mais qu’en est-il de la situation à l’extérieur du Canada?
On constate que la problématique de l’accès à la justice n’a pas des impacts qu’au Canada, mais également ailleurs dans le monde.
En premier lieu, voyons un aperçu de la situation dans d’autres systèmes de justice comparables au nôtre. D’une part, en Amérique du Nord, nos voisins du Sud sont également enfermés dans un système de justice à l’accès inégal et obtiennent ainsi une défense inefficace . D’ailleurs, on rapporte que 86% des citoyens américains ayant un faible revenu ne recevront pas d’aide juridique, sinon une aide inadéquate ou incomplète pour leur situation.
D’autre part, en Europe, la situation de la France est complètement différente . À l’opposé de la situation en Amérique du Nord, la société française n’est pas aux prises avec un problème d’accès à la justice. Le système de justice est gratuit et dit accessible à tous! La perception de l’accès à la justice comme un droit fondamental est forte en France et les politiques ministérielles sont mises en place pour promouvoir l’accès au droit et à la justice pour les citoyens. Bien que ce n’est qu’un aspect de la situation française, il est intéressant de voir ce qui se fait ailleurs.
En second lieu, dans des systèmes de justice complètement différents du nôtre, avec des problématiques particulières, comme en Afrique, le problème de l’accès à la justice prend une toute autre ampleur. La plupart de citoyens ne connaissent pas l’existence de leur système de justice, qui, lui, présente de sévères lacunes. Pour ceux dont son existence n’est pas inconnue, son accès s’avère difficile, voire impossible. À cela, on ajoute le fait que les Africains se méfient de leur système juridique. Et ils n’ont pas tort! Effectivement, les problèmes sont nombreux : juges corrompus (ou perçus comme tel), ressources insuffisantes, procédures lourdes et complexes ainsi que pressions politiques, administratives et sociologiques . C’est dire que l’accès à la justice est peut-être le moindre de leurs problèmes! En effet, il est difficile d’avoir confiance en un système inaccessible présentant autant de difficulté à être impartial et à être structuré afin de rendre justice comme il se doit.
En bref, une société ne peut fonctionner sans un système de justice accessible pour tous. Et pourtant, il s’agit d’un problème ayant été négligé pendant trop longtemps. C’est un problème de société universel auquel nous devons nous attaquer en tant qu’État, ville, municipalité, institution, mais également individu. Chaque personne peut et doit faire sa part pour rendre la justice accessible.
Faye Proulx
Candidate à la licence en droit civil (L.LL)