Concours de rédaction 2020-21
Confinement et violence conjugale
La violence entre partenaires intimes a longtemps été sujet de nombreux tabous et de délaissements de la part des sociétés à l’échelle mondiale. Cette perspective a été, à travers les époques, influencée par la religion, la culture et les médias. En effet, il fût un temps dans la vie d’une femme où, un seul déménagement était possible, celui où elle quitte le nid familial pour s’établir avec son époux. Malgré son passage à l’âge adulte et la célébration de son union maritale, considérée sacrée et imminente, elle n’obtient, à aucun moment, une indépendance quelconque et ce, dans aucune sphère de la société. Nous n’attendions d’elle, à l’égard du ménage familial, la mer à boire quant au maintien succinct de la maison, l’éducation des enfants et tout ce qui touchait les tâches ménagères quotidiennes. En Amérique du Nord, la télédiffusion, notamment de publicités, était fixée sur ce que la femme devait faire pour prendre soin de son foyer et de son apparence: « Les années 1950 voient apparaître toutes sortes de nouveaux appareils ménagers, dont les robots Moulinex. Moulinex affiche la femme ménagère dans toutes ses publicités. La publicité […] laisse entrevoir une femme tenant essentiellement le rôle de la ménagère, s’émerveillant devant tous les nouveaux appareils ménagers commercialisés, dont les robots que la marque ne cesse de commercialiser »1. Le portrait de la femme était préconçu et il se faisait rare que celles-ci ou leurs militants du sexe opposé faisaient valoir leur mécontentement. L’extériorisation d’un tel mécontentement a mené au progrès avec des mouvements sociaux tel que la deuxième vague féministe, qui seconde la première s’échelonnant de la fin du 19e jusqu’aux années 1950. Celles-ci visaient à militer en faveur des droits fondamentaux des femmes et de leur droit de vote, chose qu’ici au Canada n’a été réalisée qu’en 1918 et au Québec en 1940. On parle d’à peine huit décennies nous séparant d’une époque où la femme n’avait pas le droit de mettre les pieds dans un bureau de vote. La deuxième vague du mouvement féministe, débutant dans les années 1960, était plutôt axée sur le bris des conceptions pré-faites de la femme comme ménagère et comme bonne qu’à la maison, sous tutelle de son époux, ne pouvant même pas avoir un compte bancaire ou des actifs à son nom.
Pourquoi l’utilité de dresser cette image ou du moins faire une capture d’écran littéraire de l’histoire de la place de la femme dans la société moderne dans un essai voulant traiter de la violence conjugale, vous demandez-vous? C’est pour nous mettre en contexte des biais des constructions sociales au long des époques qui rendent la tâche de faire tomber la veste de ce voile parsemé d’optiques discriminatoires, très compliquée. De plus, c’est dans le but de pointer du doigt un peu de positif de ce parcours, mais tout en apportant une réflexion sur ce qu’il reste à faire, ne l’oublions pas. Par conséquent, ce qui a été imminent dans ces chapitres de l’histoire c’est la normalisation du silence face à des situations de violence conjugale voulant que celles-ci soit gardées dans les foyers et qu’elles restent le problème de ces mêmes foyers, puisqu’il s’agissait d’une honte qu’une femme se libère d’un agresseur en le dénonçant, en le divorçant, ou simplement en partant. Aussi malheureux soit-il, et je crois fermement que l’on puisse tous être en accord et dire, de concert, que les retombées de ces annuités de déshumanisation et dégradation de la femme ont des conséquences jusqu’aujourd’hui et certains agresseurs se trouvent avoir un penchant vers l’histoire quand ça en vient à leur vision face à leur conjointe.
Avant de nous lancer dans les effets de la COVID-19 sur la situation des ménages québécois en termes de violence conjugale, démystifions celle-ci. Lors de mon entrevue avec Louise Lafortune, responsable des dossiers liés à la problématique du Regroupement des maisons des femmes du Québec, elle me mentionne les différents signes de la violence entre partenaires intimes, en nous disant que celle-ci ne consiste pas uniquement de gestes physiques. En effet, Mme Lafortune prend le soin de nous rappeler les effets néfastes que peut avoir le harcèlement psychologique et économique et le fait que ceux-ci font tout autant partie de la problématique.
Pandémie oblige, tout le monde se retrouve confiné. L’article premier de la Loi sur la santé publique établit l’objectif de « protection de la santé de la population et la mise en place de conditions favorables au maintien et à l’amélioration de l’état de santé et de bien-être de la population en général ». Cette loi est au centre de la vie des québécois et québécoises depuis l’émergence de la COVID-19 et on s’y fie pour en savoir davantage, notamment sur les plans d’action régionaux et leur légitimité. Cette loi fut suivie d’amendements et de décrets afin qu’elle soit adaptée à la situation changeante. Une des mesures sanitaires découlant de la Loi sur la santé publique est, comme mentionné ci-haut, le confinement, qui a pour conséquence de nous enfermer dans nos foyers pour que tous ensemble nous puissions lutter contre un danger invisible et biologique qu’est le SARS-CoV-2. Ce confinement, annexé de mesures supplémentaires, bien qu’audacieux et optimiste, a malheureusement été la cause d’événements malheureux dans beaucoup de ménages de la province; celui de la violence conjugale. En effet, le phénomène de la violence entre conjoints a été en hausse, les appels reçus par les lignes d’aide sont nombreux et le tout a amené les Nations-unies à conclure que cette violence est une pandémie cachée, une pandémie à part entière2. En Colombie-Britannique, au mois de mars 2020, le nombre d’appels aux services d’assistance téléphonique était le double de celui du même mois, l’année antérieure, et ont triplé pour le mois d’avril. Tout ça nous plonge dans une profonde réflexion sur l’encadrement de telles problématiques et de la réactivité de la société face à celles-ci: « il s’agit vraisemblablement d’une épidémie à elle seule » s’exprime Me Sheri Spunt, avocate en droit de la famille à Montréal, en nous décrivant la situation de son côté. Au Québec, les sept féminicides depuis le début de l’année3 sonnent une cloche d’alarme qui aurait dû être sonnée depuis bien longtemps.
Pour de l’aide, contactez SOS Violence conjugale au 1 800 363-9010. Il s’agit d’un service 24 heures sur 24 sept jours sur sept, desservant l’ensemble de la population québécoise.
Dans le présent texte, le féminin est utilisé dans le seul but d’adapter l’écrit aux statistiques4, mais n’a pas pour but d’enlever la crédibilité des autres victimes.