Au Canada, les droits et libertés individuels ont une place privilégiée. Ils font partie des valeurs fondamentales du pays. Ainsi, la liberté d’expression, parmi d’autres droits, est protégée (art.2(b) Charte canadienne des droits et libertés). Voilà un droit qui donne tout son sens aux domaines, tel celui universitaire, qui osent remettre en question les normes.
Lorsqu’à l’automne, l’Université d’Ottawa fut frappée de l’incident impliquant le mot commençant en N, nombreux se lancèrent dans le débat à savoir quelles étaient les limites de la liberté d’expression. Maintenant en mars, nous avons tous eu des mois et des mois pour laisser ce débat mariner et peser ses limites et implications. J’imagine que tous les intéressés ont désormais pu définir leur opinion. Pour ma part, l’enseignement, que ce soit au secondaire, au collégial ou à l’université, ne devrait jamais être censuré. Non seulement ses discours magistraux, mais aussi ses sujets de recherche, ses conférences, les discussions qui s’échangent entre les murs de ses institutions sont toutes des composantes de l’enseignement qui ne devraient jamais être contraintes de façon à brimer le droit de s’exprimer. Une nuance est toutefois de mise, celle du respect.
Est-ce une idée trop polémique? Peu importe. Moi, j’y crois fort. Le milieu universitaire, et de façon plus large le milieu éducatif, a été façonné et créé pour être un milieu où les idées circulent librement. C’est un milieu qui a soif de controverse. Les enseignants et professeurs les plus novateurs ne se suffisent pas de demander à leurs élèves de rechercher des solutions aux problèmes apparents, mais les poussent aussi à remettre en question les acquis, même ceux qui leur sont transmis par ces mêmes enseignants ou professeurs. C’est seulement de cette façon que l’étudiant pourra développer sa réflexion critique et devenir un penseur indépendant. La voix contraire à l’idée populaire sème toujours la controverse, puisqu’elle est minoritaire. Par contre, au fil du temps, se répand cette perspective. Elle fait de plus en plus d’adeptes. Et elle devient presque banale. Parfois, elle finit même par prendre le trône en popularité. Ce que j’exprime n’est rien de nouveau. Que ce soit une question de droit de vote aux femmes, de déségrégation raciale ou même de légalisation du mariage homosexuel, tout revirement en idéologie peut initialement choquer la majorité. Il n’en est pas moins un changement positif. Au contraire, les exemples donnés sont aujourd’hui si fondamentaux que les temps antérieurs à ceux-ci sont hautement condamnés et tracés comme étant des anti-exemples.
Ce bref retour dans le temps fait foi d’évènements qui m’ont été transmis à l’école parce qu’enseigner les horreurs du passé est une façon de s’assurer qu’elles ne se reproduiront plus. Les leçons se tirent des erreurs déjà commises. C’est ainsi que les enseignants et professeurs ont décidé que la douleur liée à certaines périodes de l’histoire était moindre face aux bienfaits que les élèves et étudiants en retireraient. Il va de soi que chaque moment historique abominable implique le malheur d’une communauté, c’est ce qui le rend tant répulsif aujourd’hui. Qu’il soit question des conditions des paysans français au temps des seigneuries, du pillage des Européens à leur arrivée en Amérique du Sud, de l’oppression des juifs quasi-continuelle dans le temps, de la traite d’humains usée pour exploiter les plantations américaines dans les années 1800, du racisme anti-asiatique en réponse au virus, ou du trafic de femmes et de filles dans l’industrie du sexe, tous ces sujets impliquent un groupe ostracisé qui souffre plus qu’un autre. En censurant tous les sujets qui pourraient raviver des sentiments négatifs pour une communauté plus qu’une autre, les milieux éducatifs se feraient aveugles aux problèmes sociaux. Ceux-ci cachent tous des réflexions personnelles et sociétales à avoir. Ces réflexions sont complexes, c’est pourquoi l’élève ou l’étudiant devrait avoir le droit de consulter le plus de ressources possibles sur le sujet, incluant celles qui sont aujourd’hui écartées en raison de leur controverse. C’est en lisant, en entendant, et en observant des abominations, en opposition au discours inclusif, qu’un individu peut réaliser la monstruosité que sont certains discours, d’où l’importance d’éviter la censure.
Le droit d’expression en milieu éducatif m’est tant cher puisque ce milieu est le seul qui peut se permettre de discuter sans jugement, sans obligations, sans conséquences. Il a souvent été le berceau d’idées nouvelles en accueillant des penseurs et des travaux de recherche uniques. Perdre cette pierre angulaire qui nourrit les débats sociaux en viendrait à faire stagner le développement de la conscience collective.
Ceci étant dit, une nuance se doit d’être apportée. Une autre valeur fondamentale au Canada est la politesse. Elle se traduit de façon plus concrète par le respect des autres. Le respect englobe la compréhension, la patience et la bonne foi. Le respect implique aussi de se mettre à la place des autres. Autrement dit, la compassion est essentielle. Sans celle-ci, aucun discours ne peut être acceptable. Faire preuve de respect est une sorte de critère préalable à chaque discussion intentée. Il est primordial de connaître sa place, d’émettre des avertissements et de faire en sorte que chacun.e se sente accepté.e et supporté.e. Dans cette optique, il serait difficile de concevoir comment une personne pourrait ouvertement défendre la liberté d’expression sans suivre les règles de respect. Bien que la liberté d’expression soit un droit fondamental, il ne peut être usé sans que le critère du respect n’ait été compris.
Une réponse sur « La liberté d’expression en milieu universitaire »
cet article nous est très utile merci de partager cette info avec nous…