Depuis plusieurs mois, les médias parlent de ce qui se passe au Venezuela, mais depuis quelques semaines la couverture médiatique a augmenté. Pourquoi? Que se passe-t-il au Venezuela pour qu’il y ait autant d’attention qui lui soit accordée? Pour comprendre, il faut remonter à la mort de Hugo Chavez en 2013.
Hugo Chavez était le président du Venezuela, mais aussi un militaire. Lors de son décès, Nicolas Maduro a été élu par son parti comme son successeur. Peu de temps après sa prise de pouvoir, l’économie vénézuélienne se met à battre de l’aile. L’économie reposant principalement sur l’exportation du pétrole, la baisse des prix des dernières années a fait chuter la valeur de la monnaie et a fait exploser l’inflation, qui frôle le 1 million de pourcent, entraînant ainsi une crise économique d’une ampleur sans précédent.
Dans les deux dernières années, une pénurie des aliments et des médicaments de base a forcé la population à faire la queue pendant des heures dans l’espoir de mettre la main sur des produits comme de la farine. En 2017, une étude universitaire sur les impacts de la crise économique dévoilait qu’en moyenne, les Vénézuéliens avaient perdu 24 kilos étant donné la pénurie alimentaire, et que près de 90% de la population vivait sous le seuil de la pauvreté. Depuis cette étude, les chiffres ne se sont pas améliorés.
En 2017, le président Maduro a voulu apporter des modifications à la constitution. Ces démarches avaient pour objectif, selon l’opposition, de repousser les élections, puisqu’il y avait de bonnes chances que la situation actuelle au Venezuela ne soit pas à l’avantage du président ce qui aurait pu compromettre sa victoire. Cette situation a poussé les étudiants universitaires à s’opposer à ce projet de modifications constitutionnelles. Ils ont donc pris d’assaut les rues pour demander au président de reculer dans ses démarches. La réponse du gouvernement a été la force. Les étudiants se sont retrouvés face à l’armée. Les affrontements ont fait des dizaines de morts dont un des leaders du mouvement étudiant a été tué en pleine assemblée étudiante dans l’enceinte même de l’université à Caracas.
De ce fait, avec la recrudescence de la violence par le gouvernement, en plus du manque de nourriture et du haut taux de chômage, plus de 3 millions de Vénézuéliens ont décidé de quitter le pays. Leur destination: un des pays voisins. Près de 2 millions d’entre eux se sont réfugiés en Colombie, un des trois pays partageant une frontière avec le Venezuela. Ce mouvement de migrants a créé des tensions politiques entre les états puisque les pays frontaliers exhortaient le gouvernement vénézuélien à intervenir auprès de sa population pour mettre fin à cette crise qualifiée humanitaire. Devant la non-intervention de ce dernier, la plupart des états ont décidé de fermer leurs frontières ou d’en limiter conséquemment l’accessibilité afin d’éviter l’arrivée massive de migrants.
Ainsi, 2018 marquait une année importante avec la tenue d’élections présidentielles pour un mandat de 6 ans. Le président Maduro a remporté les élections haut la main au mois de mai. Cependant, l’Organisation des États Américains (OEA) avait envoyé des observateurs pendant les élections qui ont constaté des graves violations au principe de démocratie. L’OEA a par la suite fait un communiqué de presse qualifiant le scrutin vénézuélien comme étant une farce. De plus, les membres de l’opposition ont rejeté le résultat. Ainsi, une partie de la communauté internationale, dont le Canada, a fait de même, en invoquant que les élections n’étaient pas légitimes et manquaient de transparence. Maduro a rejeté ces accusations.
Le pays a continué à s’enliser dans la crise économique et dans les répressions violentes. Des opposants politiques ont fui le pays et, au début cette année, un juge de la cour suprême vénézuélienne s’est réfugié aux États-Unis pour pouvoir critiquer le gouvernement de son pays d’origine et éviter de ne pas avoir à se prononcer sur la validité du deuxième mandat de Maduro. Une instabilité politique a donc commencé à s’installer et elle s’est envenimée, cette semaine, avec l’auto-proclamation de Juan Guaido, leader du parlement contrôlé par l’opposition, comme président par intérim.
Des membres de la communauté internationale ont donc saisi cette opportunité pour reconnaître Juan Guaido comme président légitime du Venezuela puisque le scrutin qui a mené à son élection au parlement était légitime. L’Union européenne a même décidé de soumettre un échéancier à Maduro pour refaire un scrutin en bonne et due forme. Ce dernier a rejeté cet échéancier en disant que tout ce que la communauté internationale émet comme commentaire représente une menace pour la démocratie vénézuélienne.
Pour rendre la crise constitutionnelle encore plus compliquée, il faut souligner que l’armée vénézuélienne a juré fidélité au président Maduro. Sans l’appui de l’armée, Juan Guaido ne pourra malheureusement pas aller de l’avant avec sa revendication de pouvoir, à moins de demander l’intervention d’une puissance étrangère, ce qui pourrait être une décision avec des conséquences importantes.
Ainsi, les États-Unis, le Canada, l’Union européenne et les pays d’Amérique latines, tels l’Argentine, le Brésil et le Mexique, soutiennent Juan Guaido dans son auto-proclamation à la tête du Venezuela. De son côté, le président Maduro a trouvé un allié de taille en la personne du président russe, Vladimir Poutine. Ce dernier a récemment accordé un prêt de plusieurs milliards de dollars pour aider le Venezuela à se sortir de la crise économique. Il a aussi déclaré publiquement que Maduro était le seul président légitime du Venezuela.
La situation politique sera donc à surveiller dans les prochaines semaines car Juan Guaido appelle aux manifestations alors que nous savons pertinemment ce qui est arrivé aux étudiants lorsqu’ils ont pris les rues d’assaut. Est-ce que l’armée recevra l’ordre de tirer sur les manifestants comme la dernière fois? Est-ce que l’armée restera fidèle au président Maduro? Est-ce que Juan Guaido va demander l’intervention militaire de puissances étrangères? Sommes-nous en train d’assister à une reprise de la Guerre froide entre les États-Unis et la Russie, mais avec le Venezuela comme pièce maîtresse au lieu de Cuba sur l’échiquier mondial? Toutefois, parmi toutes ces questions politiques, il y en a une seule vraiment qui me préoccupe: que va-t-il arriver à la population vénézuélienne? Sera-t-elle condamnée à vivre l’enfer créé par son propre président comme la population syrienne? Ce sont malheureusement des questions qui demeurent sans réponses pour l’instant. Nous ne pouvons que regarder la situation de loin en espérant que nous aurons appris de nos erreurs et que nous saurons intervenir à temps pour éviter une autre crise humanitaire.
Par Gabrielle Thiboutot
Rédactrice en chef