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La délinquance sexuelle : des causes et des explications multifactorielles

Aujourd’hui, et ce depuis plusieurs années, se trouvent sur le territoire québécois un énorme pourcentage d’hommes incarcérés en lien avec des délits de nature sexuelle. La délinquance sexuelle et les crimes à caractère sexuel sont des problématiques opprobre qui engendrent de la peur ainsi que de la colère au sein de la société. Tel que mis de l’avant par Émile Durkheim, la déviance est une notion sociologique qui permet de cerner des comportements non conformes aux normes sociales qui nous sont inculquées. Du fait de leur nombre et de leur proportion, la société tend à porter un regard sceptique vis-à-vis de la réinsertion sociale des délinquants sexuels. En 2010, l’établissement de détention de Percé en Gaspésie ouvre ses portes à nouveau avec une nouvelle vocation : le traitement pour les délinquants sexuels. Ce centre de détention a un modèle unique qui suscite un partenariat entre deux ministères gouvernementaux : la sécurité publique et la santé. Cet établissement correctionnel accueille sur une base volontaire, des délinquants sexuels provenant de divers établissements de détention au travers de la province, afin qu’ils puissent bénéficier du programme d’une durée d’environ 6 mois. Ce programme vise principalement l’acquisition de compétences dans le but de réduire le risque de récidive et faciliter leur réinsertion sociale. Cet établissement de juridiction provinciale est le premier au Québec qui offre le Programme d’évaluation, de traitement et de recherche pour les auteurs d’agression sexuelle (PETRAAS). Il s’agit d’un programme qui vise à offrir aux contrevenants une meilleure réinsertion sociale (Haroun, 2018a).

De nombreux délits touchent la délinquance sexuelle, tels que « […] la pédophilie, l’agression, le viol, les attouchements, le leurre et la pornographie juvénile, entre autres » (Haroun, 2018a). Toutefois, il faut noter qu’un délinquant sexuel se réfère à un individu ayant été reconnu coupable d’avoir commis une infraction criminelle de nature sexuelle. Les articles de Thierry Haroun permettent de mettre à la lumière du jour l’enjeu du traitement de la délinquance sexuelle, ainsi que les questionnements provenant de la société en termes de traitements visant cette clientèle (Haroun, 2018a, 2018b, 2018c, 2018d). La construction sociale de la délinquance sexuelle et la réinsertion sociale prend tout son sens dans cet établissement de détention qui a rouvert ses portes il y a de cela 10 ans. Ce programme ayant eu un grand succès fait en sorte « […] qu’obtenir un accès au traitement à la prison de Percé, où le nombre de demandes excède la capacité d’accueil, c’est souvent la seule façon de prendre à bras-le-corps leurs problèmes personnels […] » (Haroun, 2018a). La déviance sexuelle illustre bien un problème social latent, puisque son interprétation émane souvent des perceptions biaisées de ce genre de problème.  Il est important de noter qu’au moment où la majorité des interventions destinées aux délinquants sexuels s’inscrivent dans la plupart du temps dans un contexte judiciaire, il faut pouvoir articuler d’autres modèles tels que la justice réparatrice. Il est également facile de confondre la réhabilitation sociale avec la gestion du risque; en fait, la récidive sexuelle trace une ligne mince entre ces deux concepts. L’objet de ce débat soulève une prise de conscience en termes de comportements déviants des détenus et vise une approche voulant réduire la récidive (Haroun, 2018b).

Les diverses positions concernant la délinquance sexuelle sont pourtant assez partagées, dû au fait que de nombreuses conséquences pour la société en découlent et que des victimes devront composer avec les répercussions de la réinsertion sociale (Haroun, 2018d; Lussier, 2018, 3). La délinquance sexuelle « […] affecte un segment important de la société avec des répercussions significatives tant pour les victimes, les proches des victimes que la société en général » (Lussier, 2018, 337). En outre, le lien social est le principal élément qui nécessite d’être restauré au sein de notre société, car il représente l’ensemble des obligations de chaque individu. Ce processus consiste principalement à responsabiliser et renforcer les relations entre les contrevenants et la société (Haroun, 2018c). En incitant ces individus à adopter une attitude prosociale, cela renforcera cette compréhension du savoir-être en collectivité. 

La littérature actuelle se concentre sur les diverses facettes des délits de nature sexuelle en se concertant sur les multiples raisons touchant ces contrevenants. Cependant, les chercheurs se sont arrêtés sur des questions évaluant des recours possibles pour éviter la récidive, mais ces divers facteurs criminogènes varient et sont parfois susceptibles de nous permettre de mieux expliquer les divergences au sein de leurs comportements (Haroun, 2018c). Les études sociologiques de l’École de Chicago ont permis de remplacer les explications génétiques de la délinquance en s’intéressant aux phénomènes sociaux et aux récits de vie qui découlent des transformations sociales et en observant la réalité construite de chaque individu (Faget, 2009, p.17). 

En 2010, une étude a permis de dégager que « […] les traitements des délinquants sexuels sont basés sur la probabilité d’une agression sexuelle future » qui est subdivisée en caractéristiques telles que les facteurs de risque (Cortoni et Longpré, 2010, p.108). L’impact des facteurs de risque permet de mieux cerner la récidive et d’améliorer la qualité de vie sociale de l’individu tout en protégeant la collectivité (Lussier, 2010, p.270). Cependant, plusieurs études se sont attardées sur le rôle des divers facteurs en termes de récidive sexuelle afin d’éclaircir le fait que la dynamique de chaque individu est différente. L’on note également que la construction sociale de la délinquance sexuelle en détention est souvent constituée de jugements qui font référence à l’identité, c’est-à-dire qu’ils sont souvent réduits à une dégradation de leur propre image (Gaillard, 2015, p.3; Haroun, 2018d). De nombreuses idées préconçues concernant les délinquants sexuels sont venues corrompre la perception face à ces individus, ce qui a engendré des répercussions encore aujourd’hui notables au sein de la société (Lussier, 2018, p.13). La socialisation chez ces délinquants a donc tendance à refléter des processus de contrôle social qui sont généralement mal inculqués dès un jeune âge. Afin d’avoir davantage accès à cette réalité, il est donc important de comprendre comment la délinquance est socialement construite.

Le but ultime de ce programme offert au centre de détention de Percé est de réduire le taux de récidive, ayant comme objectif d’établir des parallèles entre la récidive et la réinsertion sociale. Enfin, les enjeux parfois choquants qu’impose cette forme de délinquance à la collectivité ne laissent personne indifférent. Différents indicateurs sociaux permettront de cerner des comportements sexuels atypiques et de décortiquer la construction sociale de ce phénomène afin de pouvoir mieux évaluer s’ils sont réellement réhabilitables d’un point de vue sociologique.

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