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La biopiratrie : le brevetage des savoirs traditionnels et des plantes à propriétés médicinales autochtones

 

Les connaissances des communautés autochtones sont diverses et variées, et connues sous le nom des « savoirs des Autochtones ». Ce terme englobe entre autres les connaissances concernant les plantes à propriétés médicinales . Les savoirs des autochtones sont difficiles à circonscrire, mais peuvent être définis comme « les systèmes de connaissances et de savoir-faire uniques, souvent traditionnels et locaux, découlant de la spécificité des modes et des conditions de vie des populations amérindiennes et inuit » . Les savoirs autochtones traditionnels sont souvent mis en opposition avec la science, celle-ci étant considérée comme le système de connaissance par excellence dans le monde occidental . La science au sens occidental du terme est documentée, alors que les savoirs autochtones sont, en général, transmis de génération en génération par voie orale, sans preuve écrite de leurs découvertes. La « domination du monde » et des connaissances n’est pas dans la vision des peuples autochtones . Certes, la méthode de transmission de ses connaissances n’est pas identique, mais cela ne justifie pas le manque de reconnaissance envers les savoirs découverts par les Autochtones.

Le droit des brevets se définit comme un droit d’exclusivité de notre invention, pour une période de temps limitée, en échange d’une divulgation au public. Une fois le délai d’exclusivité imparti écoulé, l’invention faite partit du domaine public. Le brevetage permet aux inventions de devenir public, tout en protégeant les droits de l’inventeur sur son invention. Cette protection permet notamment d’éviter que certaines inventions soient gardées secrètes, qu’elles ne soient volées, ou encore utilisées sans le consentement de l’inventeur.

En effet, il existe trois critères afin qu’une invention puisse être brevetée: celle-ci doit être « (1) nouvelle, (2) impliqu[er] une activité inventive (3), [et être] susceptible d’application industrielle» . De plus, un brevet ne peut être accordé sur quelque chose d’évident, le but d’un brevet est de donner un droit sur une invention utile pour le public.

Cependant, les communautés autochtones sont omissent dans les brevets, comme si elles n’avaient pas contribuées à la recherche . Les savoirs des communautés sont parfois les raisons des résultats scientifiques, car sans leurs connaissances les recherches nécessaires afin d’obtenir un résultat seraient si vastes qu’elles ne seraient probablement pas financées . De plus, les communautés connaissaient les bienfaits des plantes en questions avant les analyses des scientifiques. Cet « échange » ne contribue donc pas aux communautés autochtones, mais uniquement aux chercheurs. La problématique analysée est le manque de considérations des peuples autochtones dans le processus d’obtention d’un brevet sur une plante à propriété médicinale.

Dans le domaine pharmaceutique, le monopole temporaire que le brevet accorde permet aux compagnies d’obtenir du profit sur les médicaments vendus, et donc de rentabiliser les sommes dépensées aux fins de recherches. Certes, le médicament en tant que tel ne coute pas très cher à produire, mais toute la recherche afin d’arriver au produit final représente des sommes colossales . En outre, la recherche biologique est simplifiée pour les chercheurs puisque les communautés autochtones ont déjà certaines connaissances en la matière . L’utilisation de la molécule découverte peut donc rapporter une valeur économique au propriétaire du brevet, si celui-ci s’en sert pour des fins pharmaceutiques . Les recherches financées par les compagnies pharmaceutiques n’ont pas pour but d’élargir les connaissances sur l’humanité ni de satisfaire l’envie d’apprendre des chercheurs . Le but des compagnies pharmaceutiques et des laboratoires est de faire une découverte qui leur permettra de faire du profit de par la création d’un remède.

Cependant, ceci se qualifie de biopiratrie., qui se définit comme « l’utilisation non autorisée, longtemps coutumière, mais aujourd’hui considérée illicite, de ressources biologiques par des utilisateurs au détriment des fournisseurs ». Les utilisateurs utilisent le droit des brevets afin de pouvoir revendre les plantes, ou même afin de vendre des médicaments produits à base de certaines plantes.

Les fournisseurs sont généralement des peuples qui utilisent et cultivent ses plantes depuis des siècles, et s’en servent de plusieurs façons, incluant à des fins médicinales. Cependant, « ces peuples n’ont guère de moyens d’empêcher la captation de leurs ressources et connaissances » . Les savoirs traditionnels ont une très grande importance dans les communautés, ceux-ci sont souvent associés à des rituels, et font même partie de leur identité. Les États souhaitent que la négociation des ressources biologiques se fasse au cas par cas, de façon contractuelle . Cependant, les communautés autochtones souhaitent pouvoir changer le droit international. Celles-ci souhaitent que l’innovation reste un moyen d’obtenir un droit de propriété intellectuelle, mais souhaitent que la tradition le soit également. Les peuples autochtones souhaitent avoir un droit sur les ressources biologiques traditionnellement utilisées afin de pouvoir négocier leur utilisation et leur circulation. D’ailleurs, le préambule de la Convention diversité biologique reconnaît le lien étroit entre les communautés autochtones et les ressources biologiques. De ce fait, le partage équitable de ses ressources est d’une importance capitale pour ses communautés.

L’office européen des brevets ne protège aucunement les avoirs traditionnels autochtones. Par contre, l’office indien des brevets est un acteur crucial concernant la sensibilisation de la protection des savoirs traditionnels dans la propriété intellectuelle. En Inde, un brevet ne peut être accordé sur le domaine public, ceci est prohibé par le Patent Act. En outre, les savoirs traditionnels sont considérés comme faisant partit du domaine public et ne sont donc pas considérés comme ayant une action inventive.

Peut-être est-il temps de réformer le droit ?

Camille Le Saux

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