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Jeux Olympiques 2022 : l’ironie des droits de la personne

«Priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à  contester leur humanité même ». En se fiant à cette belle citation de Nelson Mandela par rapport aux droits de la personne, il est clair que cet enjeu a une importance au niveau individuel, international et sociétal. Après la Deuxième Guerre mondiale, on peut voir un regain et une institutionnalisation de ce qu’on appelle aujourd’hui les droits de la personne. À travers les décennies, les différents États de ce monde se sont jurés de placer ces droits au centre de leurs politiques et programmes nationaux et de l’aide internationale. Cependant, même en 2022, il arrive encore que ces États oublient l’importance de ces droits dans leurs décisions diplomatiques.

Le 4 février prochain, les Jeux olympiques («JO» ci-après) vont débuter à Beijing, Chine. Bien que l’évènement sportif soit bien accueilli par la population mondiale après deux ans de pandémie, il reste que cet évènement est controversé. Critiqués par plusieurs organisations sportives, des militants civils et des organisations non gouvernementales, telles que Human Rights Watch et Amnistie internationale, ces jeux vont se tenir dans un État qui viole les droits de la personne de façon flagrante depuis plusieurs décennies. Par exemple, il se déroule présentement une campagne d’assimilation et de génocide envers le peuple des Ouïghours dans la province du Xinjiang. Les personnes appartenant à cette communauté sont soumises à des travaux forcés, de la détention arbitraire, de la torture, des violences physiques et sexuelles, de la répression culturelle et religieuse et beaucoup d’autres. On retrouve aussi à travers la population entière de la stérilisation forcée et des avortements forcés liés à la politique de l’enfant unique (maintenant rendue à trois enfants par famille), à une liberté d’expression et d’opinion extrêmement limitée et plusieurs autres. Je prends le temps ici de statuer sur un autre évènement majeur sportif qui se déroulera cette année, soit la FIFA World Cup en novembre prochain au Qatar. Pour ce qui en est de ce dernier État, la situation est similaire à celle de la Chine. En effet, comme le rapporte Human Rights Watch, bien que ce pays soit le plus riche par personne, celui-ci emploie plus de 2 millions de travailleurs migrants n’ayant aucune sécurité en donnant la permission aux employeurs d’avoir un contrôle énorme sur leurs mouvements, leurs résidences, leurs passeports et sur leurs heures de travail faites. Par exemple, les huit nouveaux stades construits pour la FIFA ont été faits sous l’emblème de l’esclavage moderne, comptant plusieurs milliers de morts.

La question que je me pose est comment est-ce qu’il est possible de savoir toutes ces informations horribles concernant les droits de la personne dans ces pays, et plusieurs autres, et permettre quand même des évènements ayant plus de 3 milliards d’auditeurs? La réponse est assez simple : le sportwashing. Ce phénomène peut être décrit comme la propagande des États hôtes par rapport à leur image qui est perçue à travers le monde lors d’un évènement sportif. Une des premières manifestations du sportwashing a été vue au JO de 1980 en Russie. Ce dernier pays avait comme slogan « a force for good», mais a fait arrêter plusieurs journalistes, à abuser des droits des migrants travailleurs et de la répression civile. L’objectif primaire donc de la Chine et du Quatar encore aujourd’hui est de montré au monde qu’ils ne sont pas si mauvais que ça pour les droits de la personne en accueillant des évènements majoritairement aimés par tout le monde.

Il est évident que ces deux évènements sportifs viennent en violation de plusieurs droits de la personne, commençant par ceux énumérés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Dans cet acte fondamental pour la protection des droits de la personne, plusieurs fondements juridiques y sont énumérés, dont le droit à la vie, la sureté et la liberté de sa personne (Art. 3), l’interdiction de l’esclavage et de la servitude (Art. 4), l’interdiction de la torture, de peines ou traitements inusités (Art. 5), le droit de circuler librement (Art. 13), le droit à la liberté de conscience, de pensée et de religion (Art. 18) et plusieurs autres. Il est aussi possible de trouver plusieurs violations d’autres conventions internationales, dont la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination raciale et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants.

De ce que je comprends de l’action des différents gouvernements par rapport aux JO peut se résumer en une simple phrase : « Fais ce que je dis, pas ce que je fais». Cet adage peut s’appliquer aux États hôtes dans le sens que ce sont deux gouvernements autoritaires qui essaient de démontrer au monde qu’ils sont bons, mais qu’en réalité ils ne le sont vraiment pas sur plusieurs sphères sociales. Cependant, cet adage peut aussi être appliqué pour tous les autres gouvernements du monde. En effet, même s’il y aura une absence diplomatique de plusieurs États au prochain JO, il reste quand même qu’aucune action concrète ne serait prise par les États pour venir défendre les droits de la personne de la population chinoise. De plus, si l’on prend l’exemple du Canada et des États-Unis, ceux-ci «défendent» les droits de la personne haut et fort devant les médias, mais violent eux-mêmes plusieurs droits de leurs propres populations, notamment les peuples des Premières Nations. Donc, d’assister au JO, même si cela désavantageait le métier des athlètes professionnels, suppose une certaine acceptation tacite ou un entérinement des actes faits par les autorités chinoises. Ironique, non?

Je finis ma critique des JO sur une citation de l’ancien président de la Fédération internationale de Ski Gian Franco Kasper : « Dictators can organize events such as this (parlant des Olympiques) without asking the people’s permission » (Human Rights Watch, 2022). Voilà où nous en sommes rendus en 2022 sur la protection des droits de la personne dans le domaine sportif…

BML avocats inc. est un cabinet d’avocats de Gatineau spécialisé en droit du travail depuis 1985 et, depuis 15 ans, il oeuvre aussi en droit civil et de la famille.

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