Actuellement, plus de 600 paraphilies ont été répertoriées dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) publié par la Société américaine de psychiatrie (APA)[1]. Il est difficile d’en faire une liste exhaustive puisque dans les faits, les paraphilies sont des « amour d’à-côté » et il faut que les personnes atteintes passent dans le système judiciaire afin que leur perversion sexuelle soit découverte. Les paraphilies sont généralement les comportements sexuels que la société considère comme répugnants, voire inhabituels. La pédophilie fait partie de la longue liste des paraphilies.
Pour comprendre ce qu’est une paraphilie, il faut analyser la racine grecque du mot. « Para » signifie à côté, et « philie » amour. Ainsi, les paraphilies sont des actes qui sont traditionnellement considérés comme étant anormaux dans la société. Par conséquent, la liste varie en fonction des normes sociales. Avant que le terme « paraphilie » soit utilisé dans le DSM-III, dans les années 1980, l’expression « déviance sexuelle » était d’usage pour décrire les désirs et fantaisies sexuels atypiques ou extrêmes. Une paraphilie peut concerner un objet ou une personne en particulier tels que les animaux, les sous-vêtements, la douleur, les enfants et j’en passe.
Ainsi, la plus controversée des paraphilies, spécialement pour le Canada, est la pédophilie. Médicalement, la pédophilie est le terme utilisé pour désigner l’attirance sexuelle envers un enfant qui n’a pas encore développé ses caractéristiques sexuelles secondaires apparentes à la puberté.
Or, le droit criminel canadien utilise le terme « pédophile » pour désigner les adultes reconnus coupables d’agressions sexuelles sur des mineurs. Les agresseurs sexuels qui sévissent sur des adolescents/adolescentes de 14 ans sont également inclus dans la catégorie des pédophiles. Cependant, l’attirance sexuelle ou amoureuse envers un(e) adolescent(e) (enfant qui a donc développé ses caractéristiques sexuelles) est appelée l’éphébophilie. Plus spécifiquement, l’éphébophilie se divise selon le genre de l’attirance sexuelle. L’attirance d’un homme envers une adolescente est appelée la korophilie, alors que l’attirance envers un adolescent est la kourosphilie. Cette distinction clinique n’est pas prise en compte par le droit criminel. En conséquent, les agresseurs subissent les contrecoups de la mauvaise utilisation des termes cliniques. La stigmatisation qui résulte de l’utilisation du terme « pédophile » peut, par exemple, augmenter le risque de récidive sexuel et augmenter les émotions négatives chez l’agresseur. Des actions doivent être mises en place afin de tendre vers une déstigmatisation.
Dans son XVe Colloque de l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale, l’Institut universitaire en santé mentale de Québec a présenté des statistiques sur le profil de sa clientèle. Il en ressort que 21,7 % des auteurs d’infractions sexuelles ont commis leur délit sur un adolescent ou une adolescente. Donc, 21.7 % des auteurs d’agressions sexuels peuvent être stigmatisés de l’étiquette de pédophile, alors qu’ils ne le sont pas réellement. Par exemple, un consommateur de pornographie juvénile sera considéré comme étant un pédophile et devra s’enregistrer chaque année pour une période déterminée par le tribunal (généralement 10 ans) dans le registre des délinquants sexuels. Le problème est qu’on ne considère pas l’âge des sujets photographiés. Un homme qui consomme de la pornographie juvénile dont les jeunes filles sont âgées de 16/17 ans n’est pas un pédophile. Malgré tout, il devra vivre avec la stigmatisation de pédophile et toutes les conséquences de cette étiquette.
Le premier pas vers cette déstigmatisation serait, en conséquent, que le droit criminel reconnaisse la différence des termes médicaux pour les paraphilies dont les enfants sont l’objet principal. Cette mesure devrait être prise spécialement dans des systèmes de justice comme celui du Canada qui ne se voit pas punitif, mais qui trouve plutôt son fondement dans la réhabilitation des délinquants.
Attention, il ne faut pas comprendre de cet article que les gestes à caractères sexuels envers des mineurs sont moralement acceptables lorsque ceux-ci sont près de la majorité, mais simplement que le système judiciaire crée une marginalisation non-nécessaire des délinquants sexuels qui sont attirés par les adolescents/adolescentes.
[1] Le Canada reconnaît et utilise le manuel américain dans le milieu psychiatrique.
Audrey-Elizabeth Picard
Audrey-Elizabeth.picard@uottawa.ca