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Cannabis : décriminalisé ?

Au début de l’année scolaire, je me suis lancée dans un projet de recherche supervisé par la professeure à la faculté Marie-Ève Sylvestre. Mon projet de recherche se nomme Cannabis: décriminalisé? Je me suis demandée si à la suite de la décriminalisation au Canada en octobre dernier, la réglementation mise en place entourant la possession et la consommation du cannabis s’appliquerait également d’une ville à l’autre et si une discrimination de certains groupes marginalisés pouvait avoir lieu.

Après l’implantation de la loi fédérale sur le cannabis, les lois provinciales et les règlements municipaux sont venus s’y superposer, créant un cadre juridique assez stricte, particulièrement au niveau des espaces publics. Mon hypothèse initiale était que en ciblant les espaces publics, les groupes marginalisés qui les fréquentaient davantage, soit les individus en situation d’itinérance ou de pauvreté, étaient plus à risque de se faire imposer des sanctions que le reste de la population.

Pour valider ou infirmer cette hypothèse de recherche, j’ai analysé et comparé les dispositions législatives et réglementaires qui s’appliquent sur les territoires des villes d’Ottawa, de Québec et de Montréal. J’ai également cherché à identifier dans quelle mesure ces restrictions sont susceptibles de participer à la judiciarisation des groupes marginalisés et comment l’État peut se servir du cadre juridique entourant la possession et la consommation du cannabis afin de restreindre l’accès et l’usage des espaces publics.

Ma recherche m’a fait prendre conscience du côté géographique du droit. Une loi peut paraître géniale sur papier, mais si elle créée une restriction qui d’un point de vue géographique est impossible à respecter, alors cette loi perd toute son utilité. Ainsi, d’un point de vue géographique, interdire la consommation de cannabis dans tous les endroits publics, comme le fait entre autres la ville de Québec, rend impossible la consommation de cannabis pour les individus qui ne disposent pas d’espaces privés. C’est donc dire que seuls les individus propriétaires d’un espace privé peuvent consommer du cannabis dans la ville de Québec sans être à risque de recevoir des sanctions. En d’autres mots, seule une certaine classe sociale peut consommer du cannabis en toute quiétude.

Ainsi, bien que la légalisation du cannabis ait pour but premier la décriminalisation, dans les faits, cette décriminalisation n’est pas aussi flagrante que ce que l’on pourrait imaginer. D’ailleurs, au cours de la dernière année, plusieurs parties politiques ont fait des propositions d’interdiction de consommation du cannabis à l’échelle provinciale. Plusieurs arguments soulevés ont démontré l’importance d’interdire la consommation dans les endroits publics, dont la protection des mineurs davantage exposés au cannabis, ce qui pourrait éventuellement les inciter à consommer à leur tour. Bien que tous ces arguments soient évoqués pour le bien-être de notre société, je crois primordial de rester conscient que l’interdiction totale dans les endroits publics implique une judiciarisation massive des groupes en situation d’itinérance et de pauvreté partout au Québec.

Un autre problème que pose la décriminalisation du cannabis se trouve dans les grands écarts entre les différents règlements municipaux. Par exemple, dans la ville de Gatineau, il est permis de fumer dans les espaces publics qui ne sont pas réglementés par la loi provinciale du Québec, ce qui est totalement l’inverse de la réglementation appliquée dans la ville de Québec. D’un autre côté, dans la ville de Montréal, la majorité des arrondissements permettent de fumer dans les espaces publics, à l’exception de cinq arrondissements qui ont l’intention d’appliquer des règlements différents, bien que les règlements officiels ne soient pas encore accessibles au public. En traversant une rue à Montréal qui délimite deux arrondissements, il sera donc possible de passer d’un lieu public où le cannabis est permis, à un lieu où le cannabis est interdit par le règlement municipal. Inutile de mentionner que cela sera source d’une confusion assez importante pour les habitants qui fréquentent davantage les endroits publics. Ils sont encore une fois plus à risque d’être sanctionnés que les individus s’y trouvant moins sur une base quotidienne.

Je conclurai en disant que l’ignorance de la loi ne peut pas être invoquée en moyen de défense. En conséquence, le droit pénal se doit d’être clair, précis et de s’appliquer également envers chaque individu. En l’espèce, la réglementation actuelle entourant le cannabis ne respecte pas ces critères comme elle se le doit.

 

Par Noémie Melen-Simard

 

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