Si comme moi, vous vous êtes tenus informés, ou même que vous avez allumé la télévision le printemps dernier, vous avez certainement constaté qu’il y a eu une pluie de lois et de réflexions contre l’avortement qui s’est abattue sur les États-Unis.
En effet, le 15 mai dernier, le magazine TIME rapporte que la gouverneure de l’Alabama signait une des lois anti-avortement les plus sévères des États-Unis. Cette loi limite l’accès à l’avortement dans les cas particuliers où le fœtus aurait une anomalie mortelle, ou lorsque la grossesse mettrait la santé de la mère à risque. Cela ne fait aucune exception pour les survivantes de viol ni pour les cas d’inceste.
Devant les yeux horrifiés de certains et admiratifs pour d’autres, le gouvernement de l’Alabama ouvre donc de nouveau un débat que l’on croyait clos, celui de Roe vs. Wade. Cette décision où, en 1973, les juges de la Cour suprême des États-Unis au nombre de 7 contre 2, ont enfin permis aux femmes d’avoir accès à des endroits sécuritaires pour procéder à un avortement. L’Alabama, figure de leader anti-choix, incite d’autres états à suivre ce mouvement menant une bataille contre la gente féminine. Ce combat est mené dans l’espoir que le plus haut tribunal des États-Unis, comptant cinq juges conservateurs sur neuf, ouvre de nouveau officiellement les dossiers de Roe vs. Wade.
Pourtant, les statistiques à ce sujet sont claires : le taux d’avortement le moins élevé survient dans les pays où l’accès à des méthodes de contraception efficaces est le plus efficient. En revanche, le taux d’avortement dans les pays où les lois interdisent l’avortement est pratiquement semblable à ceux où il est permis. Toutefois, dans les pays où l’accès à l’avortement est impossible, il est pratiqué de façon pernicieuse, allant même parfois jusqu’à causer la mort. À ce sujet, en 2017, le Guttmacher Institute rapportait ceci : « Les législations hautement restrictives n’éliminent pas la pratique de l’avortement; elles rendent simplement les interventions plus probables de se produire dans des conditions non médicalisées. Dans ces pays, l’amélioration de la qualité et de la couverture des soins après avortement — que tous les pays acceptent au titre de service essentiel de santé reproductive qu’il leur incombe de fournir — est cruciale si l’on veut sauver des vies et protéger la santé des femmes ».
Il va donc sans dire qu’avec raison, plusieurs personnes pro-choix pointent du doigt les États-Unis pour cette montée du mouvement anti-choix de l’Alabama, mettant santé et sécurité de la gente féminine à risque. Néanmoins, vous vous doutez probablement que dans certains pays, la situation se montre très précaire pour les femmes qui désirent mettre un frein à leur grossesse. Précaire, oui, mais savez-vous à quel point?
Laissez-moi vous raconter l’histoire de Teodora Vásquez :
Âgée de 23 ans, madame Vásquez est une Salvadorienne enceinte de neuf mois de son deuxième enfant. Un jour d’été, alors qu’elle travaillait dans un collège, elle ressent de fortes douleurs et appelle donc les urgences depuis les salles de bain de son lieu de travail. À ce moment, les urgences tardent à arriver et suite à une hémorragie, madame Vásquez perd connaissance. C’est à son réveil qu’elle constate que son bébé est décédé lors de la naissance. Vivant donc dans un pays où les lois anti-avortement sont des plus strictes de la planète, Teodora est rapidement arrêtée par les autorités et par la suite, condamnée à 30 ans de prison. En effet, comme il est mentionné dans le journal Le Figaro et sur le site d’Amnistie Internationale, la salvadorienne est accusée “d’homicide avec circonstances aggravantes”, puisque son enfant est mort-né. Traitée comme une véritable criminelle, Teodora n’a pu voir son fils et sa famille plus de cinq fois en 11 ans.
Dans le journal La Presse, on y lit plusieurs histoires qui touchent des femmes comme Teodora : des femmes qui perdent leur enfant à la naissance et sont pour la plupart, condamnées sur la base « d’homicide aggravé », entraînant ainsi une peine de 30 à 50 ans de prison. D’ailleurs, ses condamnations sont imposées en dépit du fait que le code pénal Salvadorien prévoit une peine maximale de 2 à 8 ans pour un avortement. Sans égard au fait que la perte du bébé soit due à une fausse couche ou que l’enfant soit issu d’un viol, la loi salvadorienne ne prévoit aucune exception et surtout, est sans pitié. En outre, la réalité au Salvador est que, plus d’une vingtaine de femmes purgent, encore aujourd’hui, des peines similaires à celle de Teodora Vásquez.
En fin de compte, c’est cette marée d’horreur liée au mouvement anti-choix qui m’a poussée à réfléchir sur la femme, sur le corps et sur les droits. Cette vague de domination gouvernementale a déferlé dans mon esprit, créant ainsi un ouragan d’inquiétude et de dégoût. Des droits que je croyais acquis, sont, à ma grande surprise noyés dans une mer noire misogyne et suprématiste. Avec des histoires comme celles-là, je me questionne à savoir: les Stephen King et les Graham Masterton de ce monde ont-ils vraiment besoin d’utiliser la fiction pour écrire des romans d’horreur?
Par Alexia Morneau