Le 24 janvier dernier, j’ai eu l’immense plaisir de m’entretenir avec la présidente du Tribunal des droits de la personne, l’honorable Ann-Marie Jones.
Avant d’être la présidente du Tribunal, l’honorable Ann-Marie Jones a eu plusieurs expériences qui lui ont permis d’acquérir un large éventail de compétences en matière de droits de la personne. Effectivement, elle est diplômée du programme des sciences juridiques à l’UQÀM, soit le baccalauréat en droit tel qu’il est connu aujourd’hui. Elle a ensuite poursuivi ses études à la maîtrise en droit international à l’Institut universitaire des hautes études internationales de Genève. Elle a travaillé à l’aide juridique, en pratique privée, au gouvernement du Québec en tant que procureure aux poursuites criminelles et pénales, aux contentieux du ministère du Revenu et de la Régie des alcools et des jeux, ainsi que conseillère juridique auprès de la Direction des services judiciaires de Montréal. Elle a également été Commissaire à la Commission des relations du travail (aujourd’hui le Tribunal administratif du travail) avant d’être nommée juge à la Cour du Québec, Chambre de la jeunesse, en 2001.
Au cas où vous ne le saviez pas déjà, le Tribunal des droits de la personne du Québec célèbre ses 30 ans cette année. Relisez cette phrase et réalisez que ça fait 30 ans que ce tribunal assure une plus grande égalité dans la société québécoise. Et pourtant, Mme. la juge Jones fait valoir que les questions qui sont posées au Tribunal sont toujours d’actualité.
D’ailleurs les jugements du Tribunal ont un impact concret dans la société. À titre d’exemple, au début des années 2000 le Tribunal a rendu plusieurs jugements en matière d’intégration des enfants handicapés à l’école, qui ont clarifié l’obligation des commissions scolaires à préparer un plan d’intervention personnalisé de façon à assurer à ses enfants l’accès, en toute égalité, à une éducation de qualité.
Plus récemment, le jugement dans l’affaire Miller, sur le profilage racial est également en lien avec le handicap de la santé mentale et la conclusion du Tribunal est que les policiers doivent adapter leurs interventions à la personne devant eux jusqu’à la limite de la contrainte excessive. En effet, les services policiers constituent un service à la population et doivent donc respecter l’article 12 de la Charte des droits et libertés de la personne. Parmi les autres questions soumises au Tribunal, s’ajoutent celles portant sur les chiens guides pour les enfants ayant un handicap, les questionnaires médicaux pré-embauche, les questions permises en entrevue et j’en passe.
Mme. la juge Rivet, présidente du Tribunal de 1990 à 2010, a laissé un héritage inestimable au Tribunal. Effectivement, elle l’a non seulement mis sur pied, mais c’est au cours de son mandat que la jurisprudence du tribunal a favorisé l’interprétation large et libérale de la Charte des droits et libertés de la personne. Les jugements qui ont été rendus pendant son mandat mettent également l’accent sur les conventions internationales et le droit comparé de façon à rappeler les obligations imposées par ces conventions dans notre droit interne.
Dans la poursuite de sa mission de promouvoir l’accès à la justice, le Tribunal des droits de la personne du Québec organise des activités de formation au sein de la communauté juridique, notamment auprès des membres du Barreau du Québec. Celles-ci ont pour but de faire connaître le Tribunal et sa jurisprudence. Ces activités sont également l’occasion d’enrichir la réflexion et d’encourager la discussion sur différents sujets, et d’essayer d’envisager de nouvelles avenues pour favoriser l’accès à la justice. Dans le cadre de la célébration de son 30e anniversaire, le Tribunal organise un colloque qui aura lieu le 19 mars prochain, à l’UQÀM. Les trois ateliers porteront sur la protection des personnes ainées, la participation sociale des personnes ayant un handicap et le profilage discriminatoire.
La première idée qui m’est venue en tête lors de ma préparation à la rencontre avec Mme. la juge Jones a été l’évolution de la conception des droits et libertés au Québec. les obstacles qui persistent dans notre société et les tabous auxquels il faut encore s’attaquer. Elle m’a sensibilisé au fait que la lutte contre les préjugés se fait par l’éducation, un rôle avant tout joué par les groupes sociaux, bien que la jurisprudence du Tribunal ait un impact.
En terminant, Mme. la juge Jones m’a laissé de précieux conseils pour les futurs juristes en droits de la personne. Elle m’a dit que l’on s’inscrive en droit pour démarrer une carrière en droit des affaires ou en droit criminel, les droits et libertés de la personne sont une composante intégrale de la carrière en droit. Dans cette veine, il est d’une importance capitale de ne jamais oublier les enseignements des cours de droits et libertés et des cours axés sur la justice sociale (comme les cours sur les droits de l’enfant, pour ne donner qu’un exemple). En ce qui concerne la pratique en droits de la personne, Mme. la juge Jones met l’emphase sur l’engagement communautaire, comme au sein de la clinique Juripop.
Par Sandra Zaki